1 + Const-
2antinos
3 Constant(inou)
4 (καὶ) Anastasi(a)
5 ec Θ(eu) basil(eis)
6 Romaio[n]
Iconography
Legend of 6 lines preceded by a small cross
+Constantinos Constantinou καὶ Anastasia ec Θeu basileis Romaion.
Constantine son of Constantine, and Anastasia, in God emperors of the Romans.
L’absence de représentations impériales sur ce sceau [2] est tout à fait singulière, n’ayant ni précédent, ni postérité avant l’époque iconoclaste. On en connaît deux versions légèrement différentes. Notre pièce se rattache à deux sceaux de l’ancienne collection Zacos, dont les matrices sont néanmoins légèrement différentes. De son côté, Ion Barnea a édité un exemplaire sur lequel la légende se lit CONS|TANTINOS|CONSTANTOS |KEANASTASI.|.ASILISRO.
Zacos et Veglery ont proposé d’attribuer leur pièce à Constans II, mais se sont heurtés au problème de la date du mariage de Constantin IV avec Anastasie, laquelle placerait le sceau dans les toutes dernières années du règne de Constant II, alors que Tibère et Héraclius avaient rejoint le collège impérial. Leur solution – l’adoption du nom d’Anastasie par Fausta, femme de Constant II – peine évidemment à emporter l’adhésion.
I. Barnea, quant à lui, reprit une identification proposée par Vitalien Laurent qui avait opté pour une attribution à Constantin IV. Werner Seibt et Constantin Zuckerman se sont ralliés à cette position avec des divergences dans le détail. Sans éliminer entièrement la possibilité que cette pièce soit à attribuer à Constant II (qui aurait épousé en secondes noces une Anastasie inconnue par ailleurs), le premier se prononcerait plutôt en faveur d’une bulle du début du règne de Constantin IV [3]. Selon C. Zuckerman, en revanche, l’absence des frères de Constantin IV amène à dater la bulle des années postérieures au concile de Constantinople III, qui vit leur déposition et l’affirmation du pouvoir unique de Constantin IV [4].
Une première remarque tient au fait que Constant II ne porta jamais d’autre nom officiel que Constantin après son avènement. Il faut donc sans doute développer le début de la légende de notre bulle en « Constantinos Constantinou » [5]. Il en va certainement de même pour la bulle découverte sur les bords du Danube et publiée par Barnea [6]. Bien évidemment, cela peut sembler étonnant puisqu’on y lit clairement COSO, mais les légendes monétaires du règne de Constantin IV montrent des déformations tout aussi importantes du nom impérial : CONSAIUS ou CONSANUS [7].
Le rapprochement de la légende du sceau avec celles des émissions monétaires de Constantin IV est d’un intérêt plus large. En effet, comme l’a souligné le premier H. Goodacre [8], la formule NCONSAIUSCCOS en usage sur les solidi de classe I et une partie des spécimens de la classe II, sans doute les premiers de la série, fait référence à deux Constantin. Plutôt que postuler une erreur de gravure (qui aurait affecté uniformément tous les coins !), il faut sans doute admettre que l’on souhaitait insister sur la légitimité dynastique dont pouvait se prévaloir Constantin IV [9], en raison de l’existence d’un empereur rival en Sicile au début de son règne. Cela incite à dater la bulle de cette période [10].
On connaît par ailleurs une bulle qui ne diffère de la précédente que par l’absence d’Anastasie dans la légende. C. Zuckerman, qui reconnaît qu’une continuité doit exister dans l’utilisation des deux bulles, se voit contraint d’admettre une erreur des plus étonnantes : dans son hypothèse de datation, Constantin IV est seul empereur et le titre impérial libellé au pluriel serait « a residual form » après l’éviction d’Anastasie de la légende [11].
Il existe toutefois une solution qui ne nécessite pas de postuler d’erreur et est parfaitement en accord avec le parallèle des légendes monétaires. Les sceaux ne mentionnant pas Anastasie sont au nom de Constant II et Constantin IV, « basileis rhômaiôn » : sur un exemplaire de la collection Zacos, la conjonction S entre les deux prénoms est clairement visible [12]. Puis, à la mort de Constant II, l’adjonction d’Anastasie s’est accompagnée d’une reformulation du début de la légende en « Constantinos Constantinou », dans l’esprit des légendes monétaires contemporaines qui insistent sur la filiation. On a donc simplement transition entre les types Zacos 18 et Zacos 19 d’un règne à l’autre.
Si elle invalide une hypothèse de C. Zuckerman, cette reconstruction en confirme une autre. Selon cet auteur, le titre de basileus correspond à celui d’imperator maior et doit être bien distingué d’augustus [13]. En mars 666, seul Constant II en bénéficie, si l’on en croit le fameux privilège concédant l’autocéphalie au siège de Ravenne [14]. En revanche, la bulle Zacos 18 indiquerait que Constantin IV fut promu avant la mort de son père ; elle daterait donc des années 667-668 [15]. Ceci confirmerait l’interprétation de la révolte des troupes des Anatoliques sous Constantin IV comme l’expression du désir d’une promotion des cadets au rang de basileus, à égalité avec leur aîné [16]. Une lettre pontificale du 23 décembre 673 indique bien que les frères de Constantin IV n’étaient qu’augusti et non basileis [17]. La revendication de l’armée est d’ailleurs encore plus simple à comprendre si le titre de basileus avait déjà cessé d’être l’apanage d’un unique empereur « supérieur » comme l’indique l’attribution de la bulle Zacos 18 à Constans II et Constantin IV. Quoi qu’il en soit de ce dernier point, Tibère et Héraclius, simples augustes, n’avaient pas à figurer sur les bulles mentionnant ce titre et il n’y a pas lieu d’en tirer argument pour dater la pièce qui nous intéresse ici des années postérieures au concile de Constantinople III. En ce qui concerne les bulles anépigraphes qui représentent les trois frères, deux solutions peuvent être avancées : soit, ces bulles servaient au collège impérial, parallèlement à celle réservée au basileus, soit Constantin IV fit usage initialement de la bulle ne mentionnant que lui avant que la grogne autour du statut de ses frères ne l’incite à en changer pour le modèle collégial anépigraphe, qui ne distingue entre le basileus et les augusti que par les détails du portrait [18]. Notre préférence irait pour cette dernière solution mais rien ne permet de trancher.
Notons que puisque l’absence ou la présence de Tibère et Héraclius n’est plus un critère de datation, on pourrait dater Zacos 19 de la toute fin de règne de Constant II. Constantin IV n’étant pas encore basileus en 666, il faudrait toutefois placer les deux modèles de bulles (avec et sans Anastasie) dans l’intervalle courant de mars 666 à l’assassinat de Constant II durant l’été 668. Cela semble moins probable qu’attribuer au seul règne de Constantin IV la bulle mentionnant Anastasie. Seule une bulle présentant cette légende et une conjonction claire entre les deux mentions du prénom Constantin permettrait de trancher définitivement la question en faveur d’une attribution au règne de Constant II.
[1]. BBÖ, 1, p. 75.
[2]. Ce sceau, à strictement parler, n'a aucun parallèle, mais les bulles Zacos, 1, 19a-b, sont de même conception. Les trois matrices sont néanmoins différentes. Des différences plus nettes apparaissent avec un quatrième boullotèrion : Laurent, 1939, p. 359 (description de l’effigie et transcription de la légende) = Laurent, 1940, p. 207 (description de l’effigie et transcription de la légende) = Barnea, 1981 = Barnea, 1982, 4, p. 203-206 = Jordanov, Corpus, 3, 51.
[3]. BBÖ, 1, p. 75-76.
[4]. Zuckerman, 2010, p. 882; après avoir corrigé de manière substantielle la lecture et l’interprétation du sceau Zacos, 1, 18 (qui ne porte pas le nom d’Anastasie), il conclut que « these specimens from the early 680s represent the first case of the transposition of title basileus on the imperial seals ».
[5]. Seule la déformation du flan permet d’écrire que « the photograph supports Constantos in line 3 » : Zuckerman, 2010, p. 882. La position de la dernière lettre de la deuxième ligne permet de déterminer où s’arrêtait la troisième et il est clair que l’on a la place que pour l’abréviation. De même, on ne peut suivre l’auteur lorsqu’il indique que le sceau Zacos, 1, 18b ne présente pas le S entre les deux mentions du nom Constantin. L’état de conservation de la bulle ne permet pas de postuler son absence.
[6]. Comme l’a fait remarquer Barnea, 1981, p. 627 ; voir aussi Zuckerman, 2010, p. 882.
[7]. DOC2.2, 1, 12, p. 525, 530.
[8]. Goodacre, 1945, p. 37-38.
[9]. Zuckerman, 2010, p. 883 propose d’interpréter le premier C comme un F pour filius, mais les monnaies de Filippicus présentent une forme tout à fait différente de cette lettre.
[10]. Point souligné par BBÖ, 1, p. 76. Voir, en dernier lieu, Prigent, 2016.
[11]. Zuckerman, 2010, p. 882.
[12]. Zacos, 1, 18a. Le signe d’abréviation en fin de première ligne est clair et on ne saurait admettre qu’il n’est là que pour la seule voyelle U (Constantin[u]s) ; le S est donc bien ici une conjonction.
[13]. Zuckerman, 2010, p. 880-881.
[14]. En dernier lieu, Cosentino, 2014; on trouvera le texte accompagné d’une traduction anglaise, Cosentino, 2014, p. 167-169.
[15]. On renoncera donc à voir dans l’inscription de Bizye la première attestation collégiale du titre de basileus, Zuckerman, 2010, p. 884. Cosentino, 2014, p. 161-166, a proposé de lire Constantinus maior imperator Heraclii et Tiberii imperator(um) l’inscription reconstruite de San Apollinare in Classe et d’y voir la célébration d’une confirmation par Constantin IV des privilèges octroyés par son père. Néanmoins, comme le souligne l’auteur, toute reconstruction est hypothétique puisque tout repose en réalité sur la version du texte transmise dans le Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis d’Agnellus. En effet, à la fin du XVIIe siècle, il ne restait rien de l’inscription originelle qui a été reconstituée ultérieurement, sans doute à partir de la source littéraire. On n’insistera donc pas trop sur ce document.
[16]. Theophanes, Chronographia, p. 352.
[17]. Thomas of Elmham, Historia, p. 244-245.
[18]. DO Seals, 6, 22.1-3 (dans l'ordre: BZS.1955.1.4260, BZS.1955.1.4259, BZS.1955.1.4261). Sur ces bulles, la hiérarchie n’est indiquée que par le portrait imberbe qui, d’une certaine façon, peut renvoyer visuellement au titre de novus augustus dans l’acception grecque de novus, neos, « jeune ».