1 + A(ndreas)
2 Michael
3 imp(er)ial(is)
4 p(ro)tonobi-
5lissim-
6o
Artemide Aste (San Marino), Vente 22E, 25 Avril 2013, lot 407
Iconographie
Légende sur 6 lignes
Sanctus Iohannes Chrussostomos. / +Andreas Michael imperialis protonobilissimo.
Saint Jean Chrysostome. / Andrea Michiel, protonobélissime impérial.
Ce sceau fait partie du groupe restreint des plus anciens sceaux vénitiens de style byzantin à présent connus.
L’iconographie de saint Jean Chrysostome s’explique par le fait que la famille Michiel possédait des biens dans cette paroisse de la ville de Venise [3], une hypothèse confirmée par la bulle d’un représentant d’une autre famille de ce quartier, Giacomo Baseggio, qui arbore également une effigie de saint Jean Chrysostome [4].
Le titre de protonobélissime, ancienne épithète impériale devenue l’apanage des membres de la famille impériale avant d’être offert aux plus hauts dignitaires de l’Empire au xie siècle, subit de plein fouet la fameuse « dévaluation » des dignités bien étudiée par Jean-Claude Cheynet, qui mit en lumière son lien à la dévaluation monétaire [5]. L’attribution de titres auliques byzantins aux doges de Venise est un fait bien connu [6], mais dans un certain nombre de cas, qui semblent avoir été numériquement plutôt limités [7], des titres étaient donnés également à de simples citoyens. Le protonobélissimat honora ainsi au XIIe siècle plusieurs Italiens, et notamment des Vénitiens [8]. L’ajout de l’épithète « imperialis » à ce titre est contraire aux usages byzantins mais typique de l’Italie [9].
Le personnage ainsi titré sur notre bulle, Andrea Michiel [10], est connu par ailleurs. Il est mentionné dans le testament rédigé en 1119 par un homonyme [11], ambassadeur auprès du roi de Hongrie, qui le mentionne comme son nepos : volo ut predicta uxor mea recipiat libras denariorum ducentas quadraginta ab Andrea Michaele et imperiali protonobilissimo nepoti meo in ista prima ventura festivitate Sancti Petri, sicut ille iamdictus Andreas michi obligatus est dare [12].
Le titre de protonobélissime pourrait se justifier par l’appartenance de notre Andrea à la branche ducale de la famille [13]. En effet, tant Vitale Ier Michiel (1096-1102) que Domenico Michiel (1118-1130) furent élus doges avant la date du testament. Pendant le règne d’Alexis Ier, la dignité de protonobélissime était la plus élevée de celles ouvertes aux fonctionnaires ne faisant pas partie de la famille impériale [14] et l’on pourrait envisager que l’octroi du titre de protosébaste au doge se soit accompagné de collations de dignités à ses proches, peut-être même de façon indirecte, à la façon de ce qui advint sous Michel VII avec Robert Guiscard [15]. Cela contribuerait également à expliquer la production manifestement simultanée du sceau presque identique de Vitale Marcello, également protonobélissime [16].
Contrairement à ce qu’avait envisagé Vivien Prigent, le recours à une légende au datif ne serait pas nécessairement une imitation des usages grecs, puisque les documents vénitiens sont susceptibles d’utiliser protonobellissimo même au nominatif [17].
[1]. Saint-Guillain, Prigent, 2017, 3, p. 579-583.
[2]. Il demeure possible que les deux pièces aient été faiblement frappées mais le beau relief n’incite pas à se rallier à cette position. On ne peut que regretter que le sceau de Vitale Marcello soit percé en cet endroit et ne permette pas de comparaison sur ce point.
[3]. Falkenhausen, 2013, p. 830.
[4]. Voir Saint-Guillain, Prigent, 2017, p. 607-612.
[5]. Cheynet, 1983.
[6]. Ravegnani, 1992.
[7]. Falkenhausen, 2013, p. 825.
[8]. Mentions réunies dans Falkenhausen, 2013, p. 827-830 et plus généralement Martin, 2010.
[9]. Prigent, 2012, p. 623.
[10]. Prigent, 2012, p. 625.
[11]. Un Andrea Michiel, peut-être à identifier avec l’Andrea Michiel testateur (oncle ou grand-père du propriétaire du sceau), a été ambassadeur auprès d’Alexis Ier en 1084, comme le relate la chronique d’Andrea Dandolo : Qui [= le doge Vitale Falier], augusti ortacione, Andream Michaelem, Dominicum Dandulo et Iacobum Aurio legatos Constantinopolim missit, ut iurisdiciones Dalmacie et Choracie [sic], sibi ab incolis traditas, optineret, quam constantinopolitano imperio pertinere noverat (Andrea Dandolo, Chronica, 1938, p. 217). La date de cette ambassade est sujette à caution, voir Saint-Guillain, Prigent, 2017, p. 586-587.
[12]. Pozza, 1983, p. 230. Le latin nepos peut être interprété à la fois comme neveu et comme petit-fils : le fait que les deux personnes aient eu le même prénom ferait plutôt penser à un petit-fils qui aurait hérité du prénom du grand-père, usage très répandu à Venise comme à Byzance, mais on ne peut pas en avoir la certitude.
[13]. Voir Pozza, 1983, p. 228, n. 20.
[14]. Cheynet, 1983, p. 473-475.
[15]. Bibicou, 1959.
[16]. Stepanova, 2001, 9, p. 62, identifié dans Prigent, 2012, p. 625.
[17]. Prigent, 2012, p. 622. Erreur corrigée dans Saint-Guillain, Prigent, 2017, p. 580 et n. 98.